Inspirons-nous aujourd'hui d'un chapitre écrit par C. Blondel dans Le grand livre du coaching.
Nombre de "psy" (psychologues, psychatres, psychanalystes) s'inquiètent du phénomène croissant du coaching. Certains finissent par s'en revendiquer. Néanmoins, beaucoup veulent fixer les critères de séparation entre ces deux formes de métiers. Essayons ensemble.
D'abord, il est courant d'attacher au coaching un paradigme de performance(s) que n'aurait pas les "psy" : réussite, challenge, relever les défis, arriver à ses objectifs, etc. Autant de mots qui sont attachés à cette nouvelle forme d'analyse.
Et V. Lehnardt va dans ce sens : "De là à voir en toute personne qui travaille un "champion" qui sommeille et qu'un entrainement approprié pourrait réveiller, il n'y a qu'un pas que je n'hésite pas à franchir ! C'est l'essence même du coaching". Parce qu'aujourd'hui, on vit dans le culte de la performance, du toujours plusfort, plus grand, plus beau ; et les entreprises l'imposent à leurs salariés. Le but est de créer des "champions" en effet.
Les coachs font valoir trois critères pour les mieux reconnaitre :
1/ Le regard extérieur : ici, le psy n'est pas différent. On recherche une proximité renforcée par la confidentialité et la non-ingérence dans la vie profesionnelle. Le spy comme le coach sont des tiers. Toutefois, le psy a depuis longtemps peut-être davantage un visage plus prononcé de "confesseur".
2/ La neutralité : le coaché a besoin d'un rapport de confiance, bienveillant, mais qui reste neutre, sans jugement (de valeur surtout). Les psy se retrouveront ici aussi.
3/ Le développement personnel : et c'est ici que la différence se fait avec les psy. Le coaché recherche un "entraineur". Le coach n'est plus le "psy" mais l'entraineur sportif. Alors que l'on va voir le psy pour "aller mieux", on va voir le coach pour "performer mieux". Le coach a les "traits d'un confesseur au service du devoir de performance" (C. Blondel).
Et, au final, pour professionnaliser leur analyse, les coachs ont eux-mêmes poussé leur savoir-faire en l'accompagnant de connaissances psycho-comportementales.
Les psy de leur côté avancent un autre argument, pour défendre légitimement leur intervention d'aller plus loin dans l'analyse : quand les psy s'intéressent au pourquoi, les coachs s'intéressent au comment ; le but n'est pas tellement d'aller au fond du mal, mais de "réussir" à s'en sortir. Là encore c'est affaire de réussite : réussir son couple, réussir sa carrière, réussir son régime, réussir sa compétition, etc. sinon c'est l'exclusion du groupe !
Et c'est cette exclusion (au moins ressentie, possible) qui fait que le mal devient plus profond. Ce n'est plus seulement un problème de management ou de communication, ou de relations inter-individus, mais plus gravement un problème d'angoisse d'être "out", "has been". Un psy s'impose alors (selon eux !).
Faisons un petit détour du côté du monde du travail.
Pour ceux qui arrivent à cette performance, un autre mal les attend, celui de la reconnaissance impossible.
Et elle est d'autant plus impossible qu'elle est proportionnellement grandissante au fur et à mesure que la performance est bien présente : "tu me demandes d'être performant, je le suis ; qu'es-tu prêt à me donner en plus dorénavant vue ma performance ?".
Les attentes sont d'autant plus importantes que la performance croit. Or cette reconnaissance est en deça, forcément, et donc génératrice d'un nouveau mal-être, voire de conflits sociaux : pour ne pas avoir été récompensé à sa juste valeur évidemment ; ne pas être reconnu avec telle ou telle compétence, aptitude, force de caractère, ambition, etc.
Le diktat de la performance, dans ce monde du travail qui l'impose, crée un fossé entre salarié et employeur. Et ce diktat s'impose également aux deux : au salarié qui doit faire toujours plus et toujours mieux, à l'employeur qui doit récompenser cette capacité. Mais en même temps, l'entreprise ne veut pas se lier ad vitam eternam avec ce salarié devenu certes performant mais proportionnellement gourmand. C'est toute l'ambiguité d'un cercle vertueux qui devient un cercle vicieux.
Et, si le coaché s'isole au fur et à mesure qu'il performe (il se met en concurrence, il apparait comme celui qui a de l'ambition et dont il faut se méfier !), il reviendra au collectif par la force des choses en étant confronté à une envie de reconnaissance publique, perpétuellement impossible dnas une entreprise.
Ce que demandent en premier lieu les clients au coaching, ce qu'ils acceptent de cet autre (coach ou psy d'ailleurs), c'est justement à la fois sa neutralité, et à la fois ce regard sans jugement, objectif, analytique.
En effet, un bon coach saura donner son avis et dire que "ça suffit", ou "à quoi ça sert", ou que "ça ne marche pas", ou pire "que ça peut rater de cette manière là". Il faut pouvoir se situer sur un échec possible à un moment donné, et donc que cet échec devienne gérable : "Vous n’avez cessé d’essayer ? Vous n’avez cessé d’échouer ? Aucune importance ! Réessayez, échouez encore, échouez mieux" (Samuel Beckett)
Pour une distinction du spy et du coach in fine : quand on n'arrive plus à s'y retrouver dans ce culte de la performance, quand on a du mal à appréhender les exigences incessantes du monde du travail, et que l'échec arrive à grand pas, c'est peut-être le moment de faire appel à un psy. Tant que c'est pour faire mieux, le coach suffira !
C'est tout... pour aujourd'hui.